The Pyre

Générique

Conception, mise en scène, chorégraphie et scénographie Gisèle Vienne
Création musicale, interprétation et diffusion live KTL (Stephen O’Malley & Peter Rehberg) exceptée la chanson Back Eyed Dog de Nick Drake extraite de l’album Made to love magic *
Texte Dennis Cooper
Lumière Patrick Riou
Création vidéo Gisèle Vienne & Patrick Riou en collaboration avec Robin Kobrynski

Créé en collaboration avec et interprété par Anja Röttgerkamp et en alternance par Lounès Pezet, Léon Rubbens & Kamiel Van Looy
Avec la voix de Dennis Cooper

Stylisme et conception des costumes José Enrique Ona Selfa
Maquillage Mélanie Gerbeaux
Spatialisation du son IRCAM Manuel Poletti
Fabricant Décor LEDs Designgroup professional GmbH / LED Lightdesign
Autres éléments du décor Espace et Cie

P.O.L a réalisé l’édition de The Pyre spécialement pour le spectacle

Collaboration technique réalisée par l’équipe de l’Opéra de Lille
Collaboration informatique musicale IRCAM Thomas Goepfer
Régie générale Richard Pierre
Régie son/vidéo Gérard d’Elia & Adrien Michel
Régie lumière Patrick Riou ou Arnaud Lavisse
Régie plateau David Jourdain
Conception plans 3D Rémi Brabis
Aide à la recherche scénographique Marc Le Hingrat
Production, diffusion et administration PLATÔ Séverine Péan, Carine Hily & Julie Le Gall
Production et diffusion internationale Alma Office Anne-Lise Gobin & Alix Sarrade

* Écrit par Nick Drake / Produit par Joe Boyd & John Wood / Edité par Warlock Music Ltd. © 2004 Universal Island Records Ltd. A Universal Music Company

« A Jonathan & Jean-Luc »

Nous remercions également La Monnaie/ De Munt & le Kaaitheater à Bruxelles pour la mise à disposition de leurs studios de répétition, Jonathan Capdevielle, Nicolas Herlin, Alexandre Vienne, Anne Mousselet & le Bureau Cassiopée pour le travail de montage de production sur la saison 2011/2012

Partenaires

Production déléguée DACM

Coproductions Opéra de Lille // Le Parvis, Scène Nationale de Tarbes-Pyrénées // IRCAM & Les Spectacles Vivants-Centre Pompidou dans le cadre du Festival Manifeste 2013 // La Comédie de Caen Centre Dramatique National de Normandie // Bonlieu – Scène nationale Annecy et La Bâtie, Festival de Genève dans le cadre du projet PACT bénéficiaire du FEDER avec le programme INTERREG IV A France-Suisse // Arts 276 – Automne en Normandie // Scène nationale d’Evreux // Centre de Développement Chorégraphique Toulouse-Midi-Pyrénées (accueil en résidence) // Centre Dramatique National Orléans/Loiret/Centre // Centre Chorégraphique National d’Orléans // Le Maillon, Théâtre de Strasbourg Scène européenne // Pôle Sud // Malta Festival Poznań 2013 // Holland Festival // Internationales Sommerfestival Kampnagel // Künstlerhaus Mousonturm – Francfort // Next Festival 06, Eurometropolis Lille-Kortrijk-Tournai & Valenciennes // BIT Teatergarasjen – Bergen // IDEOLOGIC ORGAN (FR) // Designgroup Professional GmbH

Avec le soutien à la création du Festival Actoral

Avec la participation du DICRéAM et en collaboration avec le Kunstencentrum BUDA à Kortrijk

La compagnie DACM a reçu l’aide du Ministère de la Culture et de la Communication DRAC Rhône-Alpes au titre de l’aide à la compagnie conventionnée, avec le soutien de la Région Rhône-Alpes au titre de l’aide aux équipes artistiques et dans le cadre du fond de soutien SCAN et du FIACRE lors de la création de The Pyre.

Spectacle créé dans le cadre du projet TRANSFABRIK « TRANSFABRIK, projet initié par l’Institut Français en coopération avec le Goethe Institut et avec le soutien du Hauptstadtkulturfonds Berlin, du Ministère des Affaires Etrangères, du Ministère de la Culture et de la Communication et de l’OFAJ. Il reçoit également le soutien de Total et de la SACD. Ce projet est inscrit dans le cadre de l´Année franco-allemande – cinquantenaire du Traité de l’Élysée »

Lieux partenaires du projet Pact Zollverein (Essen) // HAU (Berlin) // Kampnagel (Hambourg) // Théâtre de la Cité Internationale (Paris) // Centre Pompidou (Metz) // Le Quartz – Scène nationale (Brest) // Festival Perspectives (Sarrebruck) // Collège des Bernardins (Paris) // Festival June Events / CDC Atelier de Paris – Carolyn Carlson // Centre Pompidou (Paris) / Les spectacles vivants // Rencontres Internationales de Seine-Saint-Denis

Une coproduction House of Fire avec le soutien du programme Culture de l’Union européenne

PREMIERE les 29, 30 et 31 mai et 1er juin 2013 au Centre Pompidou à Paris, dans le cadre du Festival Manifeste

Présentation

Avec l’écriture de cette nouvelle pièce, nous tentons de mener à leur limite les rapports intenses et complexes au texte qui sous-tendent toutes mes collaborations avec l’écrivain américain Dennis Cooper depuis 2004.

Il s’agit de mener à son paroxysme un rapport impossible et complexe aux mots. Le texte à mettre en scène semble devoir être caché. Il nous importe dès lors de développer la manière dont il peut transparaitre dans ce mouvement d’étouffement. Les personnages que nous représentions peinaient souvent à s’exprimer, notamment à s’exprimer à haute voix. Les deux personnages de cette pièce, une danseuse et un garçon, sont sous l’emprise d’un mutisme complet et leur rapport impossible à la parole semble refléter le rapport impossible au texte. Le texte qui est alors le sous-texte sera donné pour la première fois au spectateur sous la forme d’un court roman à lire à l’issue de la représentation.

Notre travail, quel qu’en soit la nature, a toujours mêlé écriture abstraite, figurative et narrative, et c’est également cette relation fondamentale à la danse qu’il s’agit d’interroger, à travers une pièce où l’abstraction reflète littéralement le mouvement nécessaire des personnages pour échapper à leur réalité, la fiction. La pièce va nous apparaître à travers leur interprétation qui oscille d’abord entre un état de corps incarné et celui de corps désincarné, sur le mouvement de transfiguration du corps en explorant la tension entre ces deux états, perturbant ainsi le statut de tout ce qui est représenté, sa réalité, pour lui donner une dimension mythique.

HORREUR SACRÉE

“(…) mais la danse de l’avenir deviendra à nouveau un art hautement religieux comme aux temps des Grecs. Car un art qui n’est pas religieux n’est pas un art, c’est une marchandise quelconque.” Isadora Duncan, Der Tanz der Zukunft. 1903.

La transfiguration de la danseuse en image s’inscrit dans la longue histoire des œuvres qui mettent en jeu les relations des vivants avec des leurres. Le corps vivant faisant tableau donne naissance à une forme qui se situe à la croisée de la chorégraphie, du théâtre, de la performance, de la peinture, de la sculpture et de la photographie. De la culture grecque à nos jours, le corps vivant faisant tableau semble sans cesse se réincarner en de nouvelles formes, de Phryné à l’art des attitudes de Lady Hamilton au début du XIXème siècle, jusqu’au voguing de la fin des années 1980 entre autres. On peut se demander si cette “rhétorique du tableau vivant (effigie qui paraît vivante, femme qui fait tableau) peut dire quelque chose aujourd’hui de l’effet de tableau par lequel en passerait non seulement la vision des images, mais aussi celle des corps.” (Bernard Vouilloux, Le Tableau Vivant, 2002).

L’isolement d’abord du corps de la danseuse, nous permet également de travailler sur ce corps glorifié, celui d’une mortelle transfigurée en figure divine, élevé à la dignité d’icône, du XXIème siècle dans notre cas. Ce corps qui porte l’absence et la présence de la déesse ou du fantasme, et le silence qui se dégage du corps qui peut sembler vide, engendrent un sentiment d’horreur sacrée” selon la formule de Paul Valéry.

Nous nous attachons à remettre en question la vision stable, assurée et rassurante de la chose vue et de travailler sur ce changement paradoxal du corps et de la figure qui transitent de l’un à l’autre et créent un jeu de l’un dans l’autre. Nous ne savons pas ce que nous voyons, cette absence de savoir perturbe la vue. C’est ainsi que ce corps, comme toute la pièce, peut par moment faire tableau aux yeux des spectateurs. La transfiguration qui s’est exercée sur ce corps l’a, le temps d’un moment, institué comme image.

Le temps de cette pièce se déploie de manière très visible à travers l’articulation de la chorégraphie, de l’espace (une sculpture de lumière), et de la musique. La danseuse est mise en scène dans un espace d’abord constitué exclusivement de lumières, il s’agit principalement de LEDs, faisant références de manière très franche aux lumières urbaines contemporaines de lieux extérieurs ou intérieurs, comme par exemple la ville ou la discothèque. Malgré ces références, ce lieu semble souvent abstrait et génère ainsi une oscillation même de son statut. La partition lumineuse provoque également par son propre mouvement une extension du travail chorégraphique et peut générer un effet chromatique déréalisant et sublimant, en ce qu’il efface toute vision réaliste de la chair. Cette perception évoque un rapport au corps que l’on peut expérimenter dans les multiples cas où le corps se trouve mis en scène au sein de diverses architectures et éclairages caractéristiques de l’urbanisme contemporain. Enfin, cet excès lumineux n’est pas sans faire référence à “La Part Maudite” de George Bataille, et à la notion qu’il développe dans cet ouvrage de dépense improductive dont l’exemple ultime est le soleil.

La composition sonore créée par Peter Rehberg et Stephen O’Malley intègre des éléments invisibles et absents, des fantômes. Elle procède d’une mise en scène de sons diégétiques (faisant partie de l’action) simulés, s’articulant avec les sons réels, et d’une création musicale qui composent une partition sonore extradiégétique. Cette composition sculpte de manière vertigineuse l’espace et génère une sensation de grande profondeur déjà amorcée par la sculpture de lumière qui évoque un tunnel, dont la profondeur résulte aussi d’un jeu de reflets.

A travers ces différents médiums, il s’agit de développer et de faire éclater – sans chercher à la résoudre – l’exceptionnelle intensité qui se dégage de la tension dialectique entre une présence et une absence, et des personnages qui sont dans une logique de fuite.

S’ABSTRAIRE

“(…) le corps humain est susceptible d’être le médium de l’expression psychique tout en étant à la fois une construction mécanique et mathématique, qu’au cours des transformations de style, au fils du temps, c’est l’un ou l’autre de ces aspects qui s’est trouvé accentué ou amplifié.” Oskar Schlemmer, Mechanisches Ballett, Tanz un Reigen, 1927.

L’écriture scénique que nous avons développée dans nos précédentes pièces est composée d’éléments abstraits, figuratifs et narratifs. En reflet à notre perception du réel, il nous apparaît que c’est l’assemblage de ces différents types de représentation qui rend compte le plus exhaustivement de notre perception du monde.

Il nous semble particulièrement intéressant de questionner ce rapport à travers une pièce d’abord chorégraphique intégrant une écriture abstraite, puis relevant d’un genre plus théâtral et narratif, qui reprend le rôle que le corps dansant a pu endosser à travers son histoire. Du corps comme métaphore, apparemment désincarné et évoquant aussi l’image de lui-même, celui-ci a été exploré également à travers une interprétation incarnée allant jusqu’à la représentation de la personne qu’est l’interprète lui-même. Cette question, fondamentalement inhérente à la danse, met en avant le paradoxe qui la régit de manière plus générale. Si d’un côté, elle est conçue comme l’expression de l’homme, elle est, de l’autre, un art totalement abstrait. Il semble, en réalité, difficile d’appréhender complètement le corps comme une pure abstraction. Il s’agit de s’attarder à ce fantasme du corps abstrait, et de l’articuler avec son inévitable aspect concret et sémiophore, et s’interroger par extension le rapport entre la danse et la signification.

Le déploiement de ces différents modes de représentation se construit d’abord à partir d’une écriture abstraite, qui permet un réel mouvement d‘abstraction, en isolant de leur contexte la danseuse, l’espace et le son, pour les y replonger lorsque la pièce se termine. Cette écriture n’est pas sans faire références aux différentes danses qui ont émergées dans des contextes sociaux où la danse semble être une échappatoire vitale.

La dernière partie de la pièce, qui se développe d’une manière plus narrative, remet donc en question l’écriture abstraite déployée jusque-là pour la replacer dans un contexte narratif, rappelant plus évidemment un contexte réel. L’abstraction apparaît dès lors comme le moyen, pour la danseuse et le jeune garçon, de s’abstraire du contexte narratif dans lequel ce que l’on peut désormais appeler leur “personnage”, est placé.

L’écriture de Dennis Cooper qui sous-tend la pièce, difficilement identifiable jusque-là, transparaît dans le développement de la pièce avec l’irruption de la narration. Dennis Cooper écrit un court roman pour ce projet, dont cette pièce est une mise en perspective scénique, reconnue comme telle au moment où la pièce s’achève sur scène.

Dans la dernière partie de la pièce, les deux personnages sont mis en tension de manière plus explicite avec la narration au contenu dramatique qui est leur réalité. La contagion narrative contamine tous les éléments constituant l’écriture scénique, qui sont alors remis en perspective et apparaissent de manière plus figurative et autrement signifiants. Le dernier mouvement qui régit la pièce met en avant son déploiement même, qui est une mise en abîme permanente, passant de l’abstraction à la narration, à la réalité.

La pièce ne se termine réellement qu’après la lecture du texte de Dennis Cooper qui est distribué au spectateur et qu’il pourra lire lorsqu’il le souhaitera après avoir quitté le théâtre. Ce texte prend la forme d’un très court roman, publié aux éditions P.O.L, signé d’un par un auteur fictif russe qui serait le jeune garçon de la pièce devenu écrivain des années après. Dans son roman qui semble comme partiellement autobiographique et fictionnel, la relation à cette femme, possiblement sa mère défunte, semble à la fois éclairer et obscurcir ce que nous avons vu. Leur rapport très émotionnel et exacerbé au monde se révèle derrière ce mutisme et impulse leur rapport nécessaire à la danse et à l’écriture.

Ce jeu des perceptions reflète les différents statuts de ce que nous pouvons percevoir dans notre appréhension du monde. A travers cette pièce il s’agit, plutôt que d’isoler ces différents statuts de la représentation, de s’interroger sur différentes articulations possibles, en considérant qu’elles ne sont jamais isolées de prime abord.

Historique